Né en Bosnie Herzégovine,  Ljuba arrive à Paris en 1963.  Les écrivains ou critiques qui s’intéressent à son travail sont souvent liés au mouvement surréaliste.  Mais il est difficile de le rattacher historiquement à ce mouvement qui le précède. « Il chasse dans les environs » comme dit Sarane Alexandrian, reprenant la formule de Breton sur Picasso.

LjubaC’est dans un espace cosmique que se donne à voir son univers onirique. Il laisse loin derrière lui l’espace illusionniste de la Renaissance, aussi bien que l’espace bidimensionnel de nos modernes. Il part à la conquête des labyrinthes de l’air, il franchit les portes du visible, jusqu’aux dimensions inaccessibles à la conscience.  Dans un univers hors-échelle, il édifie des villes célestes aux jardins suspendus.  De grands nus diaphanes, ingresques, rappellent par leur présence que la peinture est aussi allégorie.  A la fois hymne à la beauté et memento mori  lorsque, du corps parfait menacé, nous ne voyons plus qu’un fragment.  Ce voyage dans la toile a ceci de très particulier  que, par une mystérieuse alchimie picturale,   le regard ne rencontre pas, face à lui, une matière fixe.  Sous les yeux du spectateur elle semble se diluer, se dissoudre,  tour à tour se durcir et entrer en fusion.  Il s’agit moins pour l’artiste de traduire un univers merveilleux ou fantastique que de vivre une aventure de l’esprit, d’explorer les limites de la peinture dans une conscience aiguë de son histoire et de son langage propre.  Peinture en acte, intensément vivante et actuelle dans sa dimension intemporelle.

(texte de Françoise Py,  Maître de conférences à l’Université de Paris 8 en histoire et théories de l’art)